"Comme prévu je me suis mis dans les pas de Chateaubriand à travers le quartier des Halles.
J’ai commencé le parcours au Petit Pont, traversé la Cité et ce n’est pas sans émotion que je suis arrivé sur la rive droite par le Pont Notre Dame, là où disparut Javert.
Pour rejoindre la rue Aux Ours le plus simple serait de suivre la rue Saint Martin qui recouvre le Cardo romain dont nous avons déjà parlé. Chateaubriand lui s’égare à travers les Halles et emprunte la rue Saint Denis : pourquoi ?
Les deux rues Saint Denis et Saint Martin suivent la même direction vers le nord de Paris, Saint Denis, Senlis et au-delà, mais sont et ont toujours été bien différentes. La rue Saint Denis a toujours été plus commerçante, plus artisanale, plus grouillante, et surtout bien plus active dans un commerce particulier : celui du sexe, même si cette activité ancestrale est présente dans tout le quartier et dans bien d’autres lieux de Paris. Je devrais en fait mettre tout cela au passé car depuis quelques années l’ordre moral, le puritanisme et le féminisme qui sent mauvais la punaise de sacristie, fût-elle laïque, a chassé nos braves putains vers les sinistres boulevards extérieurs oU les tristes bois parisiens. Qu’en était-il à l’époque de Chateaubriand et cela explique-t-il son détour ? En tous cas si lui, n’a rien retrouvé du vieux quartier, moi pas grand chose de celui que j’ai connu il y a 40 ou 50 ans.
Donc l’ambiance est annoncée : Nous allons faire dans la nostalgie des années 60 (1960) celle de la création cluisienne des premiers Misérables.
Au temps des Copains, j’avais une copine qui habitait rue Saint Denis, mais attention pas de confusion, je vous parle d’une habitante ordinaire de cette rue qui vivait là avec ses parents comme tant d’autres gens ( nous avions 13-14 ans), tout un peuple de Paris divers et varié qui cohabitait avec tous les commerçants du quartier qu’ils fussent grossistes en fruits et légumes ou tenanciers de rades. J’ajoute qu’une « copine » des années début 60 n’avait pas grand chose à voir avec les relations filles-garçons de notre XXI siècle. Allons même plus loin et disons franchement qu’à Paris nous étions à l’âge mi-enfant mi-bête, bien moins avancés que nos congénères de la campagne, il devait sans doute nous manquer de voir les lapins et autres animaux se sauter joyeusement dessus dans les cours de ferme… rat des villes à chaque vacance à la campagne j’avais un retard à rattraper sur mes copains rats des champs… Marcel Aymé a très bien expliqué tout ça et en a même fait une des raisons pour laquelle nous, jeunes citadins avons fait « Mai 68 ».
Dernier article de Marcel Aymé daté du 15 octobre 1967. A quoi rêvent les jeunes gens ? (extrait)
« Je sais que des fils de famille de moins de 16 ans commettent le péché de chair et que des filles de banquier sortent le soir…pour forniquer avec des garçons qui sentent mauvais …cette liberté nouvellement conquise n’est une révélation que pour une partie infime (de la jeunesse)…Quant aux paysans, la liberté ne posait pas de question car elle était acquise dès le jeune âge »
Nous nous éloignons de Chateaubriand, revenons-y : de cette ancienne et brève rencontre je ne m’en suis juste souvenu qu’en remontant l’autre jour la rue Saint Denis et il me revient seulement aujourd’hui que nous nous étions rencontrés en « Colo », en Bretagne, et que nous avions visité St Malo, ses remparts et la tombe de Chateaubriand qui avait dû fort peu m’inspirer à l’époque mais du moins sur laquelle je n’avais pas « pissé » comme se vantait de l’avoir fait Jean-Sol Partre un de nos futurs maîtres.
Après cette petite touche personnelle somme toute bien simple et bien pure, revenons à la rue Saint Denis. Donc aujourd’hui plus de prostituées, pas la moindre horizontale. Le cas est général dans le quartier : plus de putains rue des Lombards, aucun tapin et pas l’ombre d’une michetonneuse rue Quincampoix, pas la trace non plus d’une fille de joie rue aux Ours…je n’ai même pas voulu aller vérifier jusqu’à la rue Blondel que Brassens fait si bien rimer avec Bordel s’il y avait encore des gagneuses..
Attention à nouveau : je ne vais pas me faire passer pour un amateur du genre surtout après avoir dit l’état où nous étions, nous puceaux des années 60 : Consommateur : impensable ! mais « mateur » oui ! Il faut bien nous comprendre : à l’époque l’érotisme était rare, pensez qu’une speakerine s’était fait renvoyer de la TV pour avoir montré ses genoux.
Alors voir des Dany Carrel en chair et en tenue de travail c’était pour nous fabuleux . Si je cite cette actrice c’est qu’elle est « Madame Lafleur » dans un de mes films culte : « UN IDIOT A PARIS », film de 1967 qui se déroule entre les Halles, la rue des Vertus (si mal nommée) et l’Allier cher à René Fallet et qui pourrait être le Berry de mes vacances studieuses (voir plus haut). Si vous voulez voir et comprendre un peu les Halles d’avant 1968, voyez ce film plutôt que le trop américain « Irma la douce » et lisez le livre de René Fallet.
René Fallet : en voilà, un nostalgique du quartier et je vous conseille d’aller voir le bouquin de photos de Martin Monestier dont il a rédigé les textes.
« D’après les amateurs des petites fées de la rue, rien, ni Hambourg, ni Amsterdam, n’égale en vertus suspectes le loisir qu’offrent les rues Saint Denis, des Lombards, de la Grande Truanderie et l’on en « passe », si j’ose dire….Je ne suis pas le seul à avoir pensé que Paris sans ses Halles ne serait plus jamais Paris ».
Plaçons tout de suite le témoignage d’un autre nostalgique : Bernard Dimey ( Il n’y a pas que Madame Bernard qui s’appelle Bernard )
« Je ne reviendrai plus dans le quartier des Halles,
Mes diables sont partis, pour Dieu sait quel enfer…
…Lèvres couleur de sang et du velours aux châsses,
La belle sans merci fumaille en rêvassant.
Au pas lent des années j’étais celui qui passe,…
Et ça tourbillonnait autour des jolies mômes
Maculées de sang frais par les garçons bouchers,
Les camions de lilas s’ouvraient en avalanches
Et tout autour de moi l’air sentait le printemps.
On ne me verra plus dans le quartier des Halles,…
Saint Eustache a gagné, les diables sont partis. »
(Sur le lien, la chanson interprétée par les frères Jacques)
Après ce petit tour entre les halles et la rue Saint Denis (il y aurait tant de choses à dire encore…) tournons à droite rue Etienne Marcel : nous sommes rue aux Ours .
Rue aux Ours : le nom viendrait de « rue aux Oies » car rue aux « oués ». Il y avait selon les étymologistes de cabinet des rôtisseries d’oies dans le secteur et le nom se serait corrompu en « Ours ». L’histoire et le terrain ne peuvent accepter une telle hypothèse : les oies du quartier ne furent jamais des oies blanches et puisqu’elles y rôtissaient dans plusieurs établissements elle devaient être bien embrochées, de là à y laisser leur nom …
Dans ce coin de Paris entre Halles et Sentier c’est bien « Ours » qui rôde.
Rue aux Ours |
Nous sommes encore dans ce que les urbains-urbanistes appellent « l’hyper centre » car nous sommes aux pieds de la fortification de Philippe Auguste – (la rue aux Ours actuelle est peut être même à l’emplacement du mur ?) En ce temps quelques gueuses s’abritaient au pied de l’enceinte, déjà hors la ville, dans des cabanes en planches ( Bordes) d’où « Bordels ».
De l’autre côté de la muraille c’était déjà la campagne, il n’y a pas si longtemps c’était même la forêt, les bêtes sauvages et ce roi des animaux d’Europe : l’Ours !
Heures à l'usage d'Amiensfin XVe siècle Ours muselé et écu armorié au lion Bibl. Municip. d'ABBEVILLE Ms 0016, Folio 0010v (c) IRHT-CNRS |
Le christianisme arrive, religion du Moyen - Orient puis de la Méditerranée où règne le lion qui bien sûr mange quelques martyres mais devient le symbole de l’évangéliste Marc. Il faut qu’il détrône l’ours du nord, l’ours païen dont le culte remonte aux temps des cavernes. Je n’irai pas plus loin dans la démonstration, renvoyant à la pièce à conviction constituée par l’ouvrage de Michel PASTOUREAU « L’Ours Histoire d’un roi déchu - Seuil ». Revenons juste au quartier de notre enquête ; à deux pas de la rue aux Ours s’élève depuis le V ème siècle une abbaye Saint Martin des Champs (occupée aujourd’hui par le Conservatoire des Arts et Métiers). Saint Martin évangélisateur des Gaules qui obligea un ours à porter ses bagages pour le punir d’avoir mangé son âne, cet âne Martin qui avait si finement inventé la taille de la vigne (si vous ne connaissez pas l’histoire pensez à me la demander) ce qui fait qu’on appela l’ours aussi, Martin (la même histoire avec Saint Bernard et tout le monde s’appelait Bernard…). Mais cet ours, ce roi déchu il fallait encore le rabaisser, le ridiculiser ; l’ Église en fit donc un glouton un paillard sans cervelle et pire un être lubrique et obsédé sexuel dont la possibilité de se tenir sur les deux pattes arrières lui permettait les pire choses avec les gentes femmes et filles. Encore une fois tout a été écrit par M.Pastoureau, y compris la revanche de l’Ours mais ceci est une autre histoire. Concluons donc ce chapitre en affirmant, avec le voisinage de l’abbaye St Martin des Champs et celui des dames de petite vertu, la présence de l’Ours dans le quartier.
La Rue aux Ours d’aujourd’hui est sans caractère, seul son côté sud (elle est Est-Ouest) est ancien, mais c’est pourtant son côté nord qui est le plus curieux. Il est occupé par un commissariat de police et juste à côté par un établissement dénommé « Le dépôt » (relation avec la police, les grossistes du Sentier, les Halles ?) qui est une des plus grandes boîtes de nuit « gay » d’Europe. Après le départ des filles de joie, une boîte interdite aux filles tout court, les interdits changent mais la société a toujours besoin d’en avoir…
C’est en faisant cette réflexion que je constatais que sur mon ordre de mission l’adresse finale recherchée par Chateaubriand était en fait rue « du Bourg l’Abbé ». Cette rue est toute voisine de celle aux Ours et ne présente architecturalement pas plus d’intérêt : elle a des souvenirs cependant . C’est là que se tenait l’armurerie pillée par les émeutiers de 1832 que nous retrouverons en armes sur la barricade hugolienne, mais c’est surtout au numéro 7 qu’il y avait, il y a peu de temps encore, la Boîte la plus célèbre des années 80-90 : « Les Bains Douches."
En fait Chateaubriand en retard de 200 ans sur Bassompierre, avait rendez vous avec 150 ans d’avance avec un des top models qui firent les grandes heures des « Bains » quand le monde entier y venait y compris Andy Warhol (le peintre de la Cène : suivez un peu le Blog S.V.P). Les époques se bousculent un peu comme dans un spectacle où l’on allait allègrement de 1962 à 2012.
Un mot sur ces Bains. Le lieu était dans sa première destination un décrassoire à prolos comme il y en avait partout dans Paris. J’ai connu la chose quand l’instit rentrant dans la classe qui devait sentir un peu plus fort que d’habitude annonçait : « mercredi : douches ! » je rappelle que le congé c’était le jeudi. Quand jusqu’à 16 ans on s’est baigné sur l’évier d’un coin cuisine et soulagé sur le palier, on comprend mal que certains se plaignent de leur logement… ceci nous emporterait trop loin… quittons le lessivage des sueurs prolétariennes et les transpirations érotisées des danseurs V.I.P.
Mon train est celui de 18h 19, j’ai encore le temps de descendre à pied vers l’Hôtel de Ville. Je ne prends pas le Boulevard de Sébastopol ( Sébasto pour les intimes et même Topol pour les vraiment familiers) mais notre déjà souvent évoquée rue Saint Martin avec un petit crochet par le passage Molière, son théâtre révolutionnaire de 1792 aujourd’hui maison de la poésie, puis la rue Quincampoix « Touchez ma bosse Monseigneur… » l’argent facile et le libertinage comme aux « Bains » Law ou Beigbeder « le Bossu » ou « 99 F » , retour rue Saint Martin, l’emplacement de la barricade Saint Merri modèle de celle des Misérables…il y a encore mille choses dans le coin… entre la rue de Venise, Beaubourg, la rue Transnonain et son massacre, transnonain qui fut trace-nonains mais surtout trousse-nonains avec ses filles retrousseuses de frocs monacal…
Hôtel de Ville : je descends dans le métro ; une affiche annonce un nouveau film : « l ‘Homme qui rit » toujours Victor Hugo, et avec dans le rôle d’Ursus : Gégé Depardieu ! Gégé l’Ours ! Comme dirait une de mes connaissances « Pine d’ours !» La boucle est bouclée !
Pas tout à fait, avant Austerlitz il y a comme déjà dit le quai Saint Bernard et la ménagerie du Jardin des plantes . Je ne vais pas vous reparler des loups de « La traversée de Paris » ( Marcel Aymé) mais d’un autre film lui de 1960, l’histoire avec Francis Blanche d’un ours qui parle mais qui choisit son interlocuteur, la preuve d’une grande sagesse, intitulé tout simplement « l’Ours ».
Tout dernier point : mon train de retour a eu comme assez régulièrement une heure de retard suite à sa rencontre avec un gibier suicidaire. Signe des temps peut être, si les loups ou les ours ne sont pas encore entrés dans Paris, les bêtes sauvages envahissent les voies qui conduisent à nos campagnes qui se dépeuplent….
Javert :
Châteauroux (et non briand), antépénultième nuit de 2012."
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