jeudi 20 décembre 2012

Juste avant la fin du monde

Bon, foin des digressions, je rentre dans le rang, et continue l'exploration du livre de Paul Louis Rossi, Démons de l'analogie, après l'évocation de Chateaubriand sur les traces de l'aventure amoureuse racontée dans ses Mémoires par le maréchal de Bassompierre, reprise en deux lignes par Jacques Roubaud dans Le grand incendie de Londres où il cite Hoffmansthal qui en fit une nouvelle. Bref, Paul Louis Rossi conclut bellement ce chapitre en soulignant que ce qui a séduit les lecteurs, dans la prose héroïque du noble batailleur pleine de bruit et de fureur, c'est "l'histoire d'une seule femme tenue en une seule nuit entre ses bras, au bord de la Seine." Il écrit qu'il "laisse entendre dans l'écriture toute la nostalgie de l'homme qui conserve ce fantôme dans sa mémoire comme la seule chose, au fond de lui-même, qui nourrisse encore son désir de l'amour et de l'inconnu."

Gravure allemande représentant la décapitation de Charles Ier d'Angleterre, XVIIe siècle
Le chapitre VII est intitulé La musique. Il commence par l'assassinat de Buckingham et la décapitation de Charles 1er, le souvenir de Vingt ans après d'Alexandre Dumas, où le fils maudit de Milady Winter, Mordaunt, prend la place du bourreau pour trancher la tête du roi tandis qu'Athos, caché sous le plancher de l'échafaud, recueille le sang du monarque. C'est l'occasion de raccrocher avec Rancé, qui juge que l'Angleterre est Etat de Satan. Rancé, qui stigmatise la Réforme et exulte lors de la Révocation de l’Édit de Nantes. Rancé que Chateaubriand hésite à suivre dans sa "haine passionnée de la vie", "sa marche sans espoir vers le néant". Et Paul Louis Rossi d'exhumer cette expression à ses yeux magnifique (et aux miens aussi) :

La vieillesse est une voyageuse de Nuit : la terre lui est cachée ; elle ne découvre plus le ciel.

Une expression en amène une autre, que l'on doit au protestant Laurent Drelincourt, qui désigne le Christ comme l'Etoile du matin, et son apparition sur la terre pour finir, La Nuit des cérémonies légales. Il est le fils de Charles Drelincourt, qui dessert le temple de Charenton, dont la destruction réjouit si fort l'abbé de Rancé.

J'aurais dû, écrit Rossi, pour mes Démons, faire appel, en manière d'exorcisme, à ce Laurent Drelincourt :

"Craindrons-nous, fier Démon,
                                         tes Assauts et tes Coups ?
N'es-tu pas terrassé par le Sauveur du Monde ?
Et, si tu l'es par Luy, ne l'es-tu pas par Nous ?

En ces jours proches du solstice d'hiver, dans notre hémisphère, j'ai repris la lecture de Laurent Drelincourt, alors qu'il prêche en 1677 sur le thème de l'Apocalypse de Jean :

Voici ce que dit celui qui tient les sept étoiles dans sa main droite, et qui marche au milieu des sept chandeliers d'or."

 Paul-Louis Rossi écrit ici certainement en 2011, et ses lignes trouvent un formidable écho en ce jour, car à l'heure où j'écris moi-même, nous voici le 21 décembre, jour de la fin du monde annoncé soi-disant par les Mayas. Rumeur idiote bien entendu mais dont le retentissement est tout de même faramineux, puisque même ceux qui en rient se voient comme contraints d'en faire mention. Ainsi Gallica proposait-elle hier sur sa page Facebook une revue d'images de l'Apocalypse :

Manuscrit espagnol du IXème siècle
L'heure tardive me conduit à différer la suite de ce billet. Ou bien restera-t-il à jamais inachevé, alors que j'allais enfin en venir à ce 62 de la rue de Picpus que je vous annonçais d'emblée ?

Ce serait dommage, d'autant plus que Javert m'a prévenu ce soir qu'il revient de sa mission rue des Ours, et que son rapport devrait suivre de façon imminente.

En attendant, écoutez donc Hugo, lu par deux grandes actrices.
" Aimons toujours ! aimons encore !"


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