En 1965 fut éditée une petite brochure sur le village de Cluis. Sur la première de couverture, il y avait la photo suivante :
Qui était donc ce petit bonhomme chantant sur fond de murailles ? Rien moins que le Gavroche du spectacle de 1962, en l'occurrence Jacques Brisse (c'est d'ailleurs lui qui m'a envoyé cette photo et je l'en remercie). Il précise dans son message que "pour la petite histoire , la pièce noire sur le pantalon avait été cousue - à ma demande - par ma mère car j'estimais que ce pantalon immaculé ne se prêtait guère à l'environnement des barricades !"
On remarquera que le cliché est de bien meilleure qualité que ceux reproduits par la NR de l'époque. Il ne fut certainement pas le seul et l'on rêve de retrouver la série entière de photos prises à l'occasion d'une représentation ou d'une répétition. Un jour peut-être...
Puisque je les avais mises hors de mon esprit les études bernardiennes me semblaient, à ce jour d'octobre 2012, achevées, c'est-à-dire suffisamment essoufflées pour qu'elles aient pu se satisfaire de péripéties de temps et de lieux qui en dispersent progressivement l'objet. Une lecture de "Dora Bruder", roman écrit par Patrick Modiano, m'amène à reprendre un chemin mental inverse.
RépondreSupprimerDora Bruder est une enfant-adolecente disparue de Paris pendant la guerre et dont Patrick Modiano reconstitue en creux l'acharnement des temps humains à se saisir d'elle, le bout du chemin étant Auschwitz. A un moment de ses recherches, et à l'occasion d'une lecture des "Misérables", Patrick Modiano réalise que le pensionnat d'où va disparaître la jeune Dora Bruder correspond exactement à l'adresse dont Victor Hugo fera une étape importante de son récit :"Et voici ce qui me trouble : au terme de leur fuite, à travers ce quarier dont Hugo a inventé la topographie et les noms de rues, Cosette et Jean Valjean échappent de justesse à une patrouille de police en se laissant glisser derrière un mur. Ils se retrouvent dans un "jardin fort vaste et d'un aspect singulier : un de ces jardins tristes qui semblent faits pour être regardés l'hiver et la nuit." C'est le jardin d'un couvent où ils se cacheront tous les deux et que Victor <Hugo situe exactement au 62 de la rue du Petit-Picpus, la même adresse que le pensionnat du Saint-Coeur-de-marie où était Dora Brudr. "A lo'époque où se passe cette histoire - écrit Victor Hugo - un pensionnat était joint au couvent(...). Ces jeunes filles (...) étaient vêtues de bleu avec un bonnet blanc (...) Il y avait dans cette enceinte du Petit Picpus trois bâtiments parfaitement distincts, le grand couvent qui, abritait les religieuses, le pensionnat où logeaient les élèves, et enfin ce qu'on appelait "le petit couvent" Et après avoir fait une description minutieuse des des lieux, il écrit encore :" Nous n'avons pu passer devant cette maison extraordinaire, inconnue, obscure, sans y entrer et sans y faire entrer les esprits qui nous accompagnent et qui nous écoutent raconter, pour l'utilité de quelques-uns peut-être, l'histoire mélancolique de Jean Valjean."(pages 52-53)
L'histoire mélancolique de Jean Valjean se confond-elle à cet instant même de la lecture à l'histoire mélancolique de l'humanité ?. Je ne sais. Mais, tout au moins, histoire mélancolique dont on a l'impression que la cruauté dont elle n'émerge que difficilement, repose bien, elle, sur le destin en creux de Dora Bruder.
Jean Claude moreau 14 Octobre 2012