Les Misérables 62: Neuvième : à guichets fermés

samedi 4 août 2012

Neuvième : à guichets fermés

Une seconde fois, nous avons joué à guichets fermés. Ce succès populaire me réjouit bien sûr, nous réjouit tous ; il est la récompense de plusieurs semaines de travail intense sur le site, le fruit de deux ans de cogitations souvent émaillées d'incertitudes. Le seul défi qui reste est de maintenir la concentration, empêcher le relâchement, brider la fatigue. C'est souvent dans les coulisses que l'affaire se joue, que la tension parfois se glisse, c'est, par exemple, la longue nappe blanche, cruciale pour la scène de la Cène, que l'on ne retrouve plus à quelques minutes du coup d'envoi, que l'on finit par dénicher dans un recoin, chiffonnée, en vrac. Cela agace ; ce manque de soin et de respect pour l'accessoire (paradoxe du vocabulaire théâtral : l'accessoire est essentiel), me font sortir de mes gonds. C'est la lutte jamais gagnée, toujours à renouveler, contre l'entropie, le désordre (à moi, Javert !), le n'importe quoi.

Bon, j'ai l'air grincheux, mais je suis ravi la plupart du temps. Heureux aussi quand un acteur prend une initiative imprévue qui fonctionne bien, par exemple, quand Julien me demande s'il peut chevaucher le cheval-jupon, dans la scène 38. Ludo lui cède généreusement sa place, et voici mon Julien, à l'ordinaire timide et à qui je demande sans cesse, et sans grand succès, de hausser le volume de ses interventions, qui s'élance dans une course débridée, cocasse. Et je le vois sourire, la pièce finie, comme je ne l'ai jamais vu sourire ces derniers jours. Mystère du cheval-jupon, qui agit comme un masque de commedia, où la personne se révèle, à l'abri sous le carton et la toile de jute.

Javert, qui s'est offert de retracer une géographie saint-bernardienne de la ville de Paris, m'envoie ce jour une photo de la démolition de la rue de l'Homme-Armé, où habitent Jean Valjean et Cosette à la fin des Misérables. Le baron Haussman est passé par là.