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Lors de ma précédente livraison aux études Bernardiennes, je m’étais contenté de me fier à ma mémoire ce qui m’amena inexorablement à la faute, celle de confondre les rues de Béarn et de Birague. Rectifions : c’est la rue de Birague qui conduit depuis la rue St Antoine à la Place voulue par le béarnais Henri IV.
Pour ne pas renouveler une telle erreur rien de tel que le terrain : refaire vraiment la dernière déambulation de Javert entre la rue de l’Homme Armé et le Pont Notre Dame.
Vendredi soir je débarque avec femme et petit-fils chez moi rue des Rosiers.
Premier signe : je trouve abandonné par un locataire-touriste de passage un petit livre « Le 4e arrondissement vu par les peintres » et dans celui-ci un article sur le pont Notre Dame qui explique que ce pont rendu presque inutile par ses deux voisins, Pont au change et Pont d’Arcole, fut un des plus importants de Paris car placé sur le Cardo romain qui traverse la ville du nord au sud, mais aussi, car jusqu’en 1786, il était porteur de maisons et boutiques qui en faisaient un des lieux les plus animés.
C’est sur ce pont qu’à peine débarqué de Valenciennes en 1702, un jeune peintre fait ses premières armes en peignant des images de St Nicolas pour un marchand de tableaux ; 18 ans plus tard, il peindra une enseigne pour le marchand Gersaint qui tient commerce au numéro 36. L’enseigne peinte en huit matinées est « L’enseigne de Gersaint » (qui décore le volume XVIIIe des Lagarde et Michard)* et le peintre qui s’appelle Watteau n’a en cette année 1720 que peu de temps à vivre. Cette enseigne est une véritable œuvre de Maître (et même de plus de 3 mètres).
L'Enseigne de Gersaint de Watteau (1720), château de Charlottenburg, Berlin |
Deuxième signe : samedi matin : je suis réveillé par les cris de deux goélands qui planent sur le Marais. Appelé par ces oiseaux sinon de mer du moins d’eau, je refais le chemin – Homme Armé – Seine. Certes le plus bêtement normal aujourd’hui serait de descendre la rue des Archives, de contourner le BHV et d’aller au Pont d’Arcole .
En 1832, il était inconcevable que Javert, en allant au plus rapide, se jette dans la Seine de la passerelle lancée peu de temps avant entre la place de Grève et la Cité et qui donc était à la place de notre pont d’Arcole. Cette simple passerelle, appelée par les Parisiens d’alors « la balancelle » était-elle digne d’y mourir ? pas pour Javert qui ne balance pas (balancer : hésiter – balancer : dénoncer , ni l’un ni l’autre pour Javert).
Javert mourut donc sous le Pont Notre Dame, dévié du chemin le plus court par le Paris anté-haussmanien mais attiré par le pont Notre Dame et ce qu’il devait encore représenter dans l’esprit parisien ... l’axe et l’animation !
Javert eut-il raison dans le choix de son pont ? Comme déjà dit, le Pont Notre Dame est aujourd’hui le moins utilisé des ponts de Paris et si sous le pont Mirabeau coule (toujours ) la Seine, sous le Pont Notre Dame coule aussi aujourd’hui « Paris Plage », son sable et ses palmiers, preuve irréfutable du changement climatique mais aussi de l’éternel profondeur de le connerie humaine…
Revenons une dernière fois au Pont Notre Dame et à son alignement dans l’axe Nord-Sud de Paris, axe rue St Martin – rue St Jacques, axe qui ordonne la ville, ce qui ne pouvait que satisfaire Javert, mais qui permet aussi vers le sud d’en sortir pour gagner la ville de St Martin mais surtout celle de St Jacques. La route du pèlerinage Jacquaire : Jacques-y-erre, Jackie- erre ? Non ! Au rasoir ! Il n’y a pas d’errance dans la mise en scène. Et si Bernard avait la même rigueur que Javert ?…et si le vrai double de Bernard c’était Javert, alors il fallait que Javert meurt sous le pont Notre Dame ; il fallait qu’il n’en reste qu’un.
Dimanche avant de regagner la gare : passage par le quai St Bernard, (et Théophile oblige) le Jardin des Plantes, la Ménagerie et le souvenir des loups de « la traversée de Paris »**
« Jambier !!!! » Javert !!!!
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* Petite erreur de notre bon Javert : le tableau qui décore le Lagarde et Michard XVIIIe est bien de Watteau, mais ce n'est pas L'enseigne de Gersaint, mais L'embarquement pour Cythère, peint en 1717.
Rectification du 20 août 2012 : Pan sur le bec ! Il s'avère que Javert n'a point fait d'erreur. L'enseigne de Gersaint illustre bien le Lagarde et Michard, dans l'ancienne édition anté-68 (voir commentaire).
** C'était dans ce film, tourné en 56, que Bourvil jouait pour la première fois avec Gabin. On les retrouvera donc associés (mais ennemis) dans Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois.
Ah jeunesse...jeunesse !
RépondreSupprimerMon cher Patrick "l'enseigne de Gersaint " décore bien le Lagarde et Michard consacré au XVIIIe mais il s'agit de l'édition anté-68, celle qui reste dans ma mémoire et que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître.
A bientôt jeune homme.
Cher Javert, tu as entièrement raison. Il n'y a point d'erreur. On voit incidemment que Lagarde et Michard étaient des fidèles de Watteau, et que le changement en 68 n'est pas allé plus loin qu'un changement de tableau.
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