Le récent commentaire de notre ami Jean-Claude a mis en verve notre ami Francis, alias Javert, dont voici la lacanienne analyse :
"Là quand, j’ai lu la contribution de J.C. Moreau à l’étude sur le travail théâtral de P.Bléron j’en ai compris certaines sources..
La référence à Tristan Bernard.
Pour ajouter ma modeste pierre à l'étude javertienne, je précise que le montage sonore utilisé lors de la scène des égouts, où Valjean emporte Marius sur son dos, est issu d'un enregistrement de la Senne, rivière qui traverse Bruxelles par deux pertuis souterrains.Tristan Bernard, outre toute son œuvre - aujourd’hui un peu oubliée - et ses formules toujours citées, dont la plus sublime restera celle prononcée à son entrée au camp de Drancy « Avant nous vivions dans la crainte, maintenant nous allons vivre dans l’espoir », Tristan Bernard serait selon certaines sources l’inventeur du « Jeu des petits chevaux ». Voici avec ce jeu enfantin une preuve supplémentaire de l’évidente relation à l’enfance qu’est l’utilisation récurrente du cheval -jupon dans l’œuvre de P. Bléron. Cheval – enfance : évidence, mais question à propos de « jupon ». Est-ce ceux de la mère que l’enfant refuse de quitter ou ceux qui affolent l’adolescent ? Qui chez P.Bléron est enjuponné ?
Tristan Bernard, portrait de Toulouse-Lautrec
Autre relation à l’enfance : Le jeu « Jacques-a-dit », dans sa prononciation légèrement modifiée par l’usage du berrichon : « Jacques-y-dit » : fais ceci, « Jacques-y-dit » : fais cela… « Jackie dit ». Jackie, qui dit, sera la metteuse en scène qui dira l’œuvre comme le juge dit la loi. Rôle du metteur en scène : tâche de mettre en scène /Rôle du metteur en scène : personne qui joue le rôle du metteur en scène. Tout le rôle du metteur en scène selon P. Bléron est dans le choix de la personne pour ce rôle. Personne : terme qui ne révèle pas le sexe de qui on parle. Le metteur en scène sera une femme. Féminisme du dernier tiers du XXème siècle ou rappel du caractère androgyne des grandes tragédiennes, Sarah Bernhardt jouant l’Aiglon. Jackie dit l’œuvre ; le mot juste, gomme le mauvais mot, le mal-mot, les maux- mots.
Enfin, est-ce à une enfance de chœur, (seul des biographes peuvent nous renseigner), que nous devons le choix du final avec à chacun sa Cène- scène-Seine. La Cène pour les justes - la scène sous les lumières pour les élus - et la Seine, glauque et sans fond, Styx des temps modernes, pour rouler Javert en un éternel voyage, ….
En conclusion de cette modeste contribution aux études Bléroniennes et pour inciter d’autres à poursuivre, deux mots d’encouragement : Hu ! Go !"
Enfin, il se trouve que j'ai offert, il y a deux jours, à Pauline, ma fille (Annette dans la pièce), un petit volume de poésie de Thomas Bernhard, paru dans la renaissante collection Orphée, aux éditions de la Différence. Et, l'on me croira si l'on voudra, je n'avais aucune intention en choisissant cet ouvrage bilingue, de jouer sur le mot "Bernard". Mystère de l'inconscient.
Intervention de Javert dans la fin de la scène 13, Fantine aux prises avec Batamabois, vidéo tournée depuis la chapelle, où j'attends d'entrer en scène avec mes chandeliers.
Peut-on compléter la théorie bernardienne ? Oui, à condition de s'appuyer sur des faits réels, constatés par l'expérience. La théorie bernardienne de Victor Hugo, parfaitement élaborée dans "Les misérables" avec ses dualités fortes et complexes peut, chez chacun d'entre nous, trouver un écho à condition d'y retrouver un apprentissage que peut nous délivrer l'enfance. Pour ma part, il me faut parler ici aussi du père de l'assistant metteur en scène : il s'appelait Bernard et cela est bien sûr vérifiable. Ce Bernard travaillait à la ferme de mes grands parents et son art de raconter des histoires était bien sûr une source d'émerveillement. Peut-être mon goût du théâtre remonte t-il à ces moments de 1962 (!) où Bernard me racontait l'opération mystérieuse de deux enfants qui désiraient se partager un paquet de bonbons, opération à faire de préférence en dehors de la présence d'un quelconque adulte. A cause de ce dernier trait, l'opération devait être sécurisée et en devenait d'autant plus louche. Ils s'étaient établis dans un endroit à priori des plus tranquilles, endroit où la grande proximité n'excluait aucunement la discrétion. Mieux, on dit même que la discrétion est la principale vertu des défunts. La modalité du partage exigeait d'enjamber le mur du cimetière, ce qui fut fait. Une méthode rigoureuse était nécessaire me disait Bernard. Comment faire mieux que de prendre chaque élément du tas pour, alternativement, attribuer à un ou l'autre de deux nouveaux tas ? Cette méthode était infaillible. Le bedeau (?) intrigué par un tout petit remue ménage inhabituel dans le village, se mit sur la piste du bruit et se posta contre le mur du cimetière. C'est de cette nuit là qu'il apprit comment diable et bon Dieu se partageaient les âmes des défunts, sans même attendre le Jugement dernier. Le fait de les trier n'avait rien de particulièrement difficile puisque le partage était uniquement basé sur une notion d'équité parfaite : "Un pour toi, un pour moi. Un pour toi, un pour moi. Un pour toi, un pour moi ..." Il n'y a de limite envisageable à un tel partage que la limite donnée par la taille du paquet de défunts concernés par le lieu et le moment. Le lieu choisi par Bernard avait été le cimetière du village et le moment choisi avait été, bien sûr, la nuit tombée.
RépondreSupprimerLa dualité des âmes des défunts, les unes qui se sont rachetées par leur seule volonté , les autres auto-abandonnées à un désastre si quotidien, voilà bien une base bernardienne de la vision de Victor Hugo. Et de toute urgence, il me faut relire "Les misérables" pour connaître le sort définitif de Javert. A qui fut attribué Javert : "à toi, ou à moi, ?"
par Jean Claude Moreau
Là-quand j'ai vu le festival de jeux de mots javertiens, j'ai dû-serre(r) des dents : le perspicace Javert n'avait donc pas repéré que la Dédée était dans le ... lacanien désir !
Supprimer... et que, debout sur ses 2 jambes, elle clame qu'elle est une femme 2012 ... bon d'accord avec un lourd héritage du siècle dernier !
.... et que les moines de l'Hospice du Grand Saint-Bernard, depuis le 17e siècle ne s'étaient pas trompés : le saint-bernard, à poil court ou à poil long, est un molosse certes, mais au caractère aimable !