Javert sur les traces de Quasimodo... Notre inlassable enquêteur, après avoir rendu compte de l'installation des nouvelles cloches de Notre Dame, bifurque sur Gargantua, Rabelais avant de sonner lui-même les cloches à quelques dignitaires de la Culture, histoire de rendre hommage à l'un des grands du théâtre contemporain, récemment disparu.
"J’avais promis une visite hugolienne à Notre-Dame de
Paris : en voici le compte rendu, bien que tout ait été déjà dit, et si
bien dit : le fait que la Cathédrale soit en fait le personnage principal
du roman de Hugo, la passion nouvelle des romantiques pour le Moyen Age…etc. Quoi
de neuf alors : Huit cloches et un bourdon !
Je ne suis pas remonté dans les tours pour la bonne raison
que les cloches étaient en bas dans la nef. Il y a bien longtemps que je n’ai
pas fait l’escalade, rebuté ces dernières années non par les marches – non, avec l’âge elles
ne deviennent pas de plus en plus nombreuses, du moins pas avec MON âge…- mais
par la file de touristes qu’il faut suivre.
En passant, ce que je regrette le plus en la matière, c’est
de ne plus pouvoir monter sur la terrasse de la Samaritaine d’où la vue est
encore plus belle que des tours de la cathédrale, puisqu’on y voit aussi
Notre-Dame.
De ma première visite d’enfant aux tours de Notre-Dame, je
garde le souvenir précis du mécanisme
pour faire fonctionner les cloches et du guide qui faisait légèrement vibrer le
bourdon en l’effleurant avec une grosse clef, celle qui devait ouvrir toutes
les portes de la cathédrale, peut-être la clef de Quasimodo ?
Quasimodo : combien avait-il de cloches pour lui parler
et lui tenir compagnie ? Elle furent jusqu’à 20, mais plus qu’une seule -
le bourdon Emmanuel - en 1832 (date de parution du roman de Hugo) après le
passage révolutionnaire.
Quasi
modo geneti infantes : comme des enfants nouveaux nés….
Ce sont les premiers
mots de la liturgie du premier dimanche après Pâques.
Puisque les cloches comme tout être vivant, vivent et
meurent, les anciennes datant du 19ème siècle seront remplacées par
huit nouvelles et un nouveau bourdon. Le 23 mars prochain elles sonneront pour
le Dimanche des Rameaux, seul jour qui remplisse encore de nos jours les
églises,… puis certainement pour celui de Pâques et pour celui de Quasi
modo… ?
Le 23 mars, huit cloches sonneront donc dans la tour nord de
Notre-Dame et deux bourdons dans la tour sud : Emmanuel dernière cloche
ancienne et Marie qui l’aura rejoint.
Emmanuel et Marie. Marie et Manu pour les intimes.
Qu' Emmanuel ne m’en veuille pas de rappeler que lors de la
fameuse journée d’août 1944 où Paris fut libéré, c’est un Magnificat, donc un
hymne à Marie qui fut célébré à Notre-Dame en présence du général de
Gaulle (et non un Te Deum comme souvent dit). Mais c’est lui-même, Emmanuel,
qui appela le peuple de Paris, « celui qui croyait au ciel, celui qui n’y
croyait pas » à venir en sa cathédrale.
« Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait
pas » : Les vers, bien sûr, sont d’Aragon mais l’idée,
l’interrogation n’est-elle pas hugolienne… je m’aventure encore sur des
terrains qui me dépassent… revenons aux cloches de Notre-Dame.
En fait, plus proche de Rabelais que de Hugo, je vais revenir
à François et à Gargantua voleur de cloches.
Nous l’avions déjà rencontré en même temps que nous
croisions Hugo dans le quartier saint Paul.
1535 environ, c’est la date de publication de Gargantua, et
de ce fait celle où le géant rabelaisien assis sur les tours de
Notre-Dame« compisse aigrement » le peuple de Paris « tant
sot, tant badault et tant inepte de nature » et déroba les grosses cloches
« qui estoient en dites tours ». Pour ne pas dévier encore hors de
mes possibilités, je laisse à d’autres le soin de dire si ces cloches
représentaient effectivement les voix des prêcheurs sorbonicoles opposés à l’entourage du roi, alors
progressiste en matière évangélique.
La seule chose à retenir c’est que Gargantua retira de
Notre-Dame deux cloches, c’est- à- dire deux voix sonnantes planant sur tout le
peuple de Paris, pour n’en faire que des clochettes au cou de sa jument.
On peut aussi rappeler que le moine François Rabelais,
malgré son prénom, qu’il n’avait certes pas choisi, préféra quitter l’ordre des
franciscains (saint François), les frères ignorantins, pour rejoindre celui des
bénédictins plus versés dans l’étude mais aussi l’action (saint Benoît) ;
cette mutation d’ordre à ordre fut autorisée par le pape Paul III lors d’un
voyage de Rabelais à Rome. Les moines oisifs et mendiants parasites que l’on
retrouve dans l’œuvre d’Alcofribas seraient-ils ces franciscains que Rabelais a
fuis ? Nous l’avons vu en visitant d’autres lieux de Paris, il y a tant
d’ordres religieux différents…
A l’époque la Compagnie de Jésus venait juste d’être
approuvée par le même Paul III (1540). Rabelais connaissait-il ces jésuites et
aurait-il pu les rejoindre ? Là encore la question me dépasse et je
m’égare…Je retiens juste le rapport, le mélange, le contraste entre
bénédictins, franciscains, jésuites… au fait pourquoi parler de çà…l’actualité
peut être…
Revenons tout de même à Rabelais et puisque l’origine de
tous nos propos est un spectacle ; parlons spectacle pour évoquer le
souvenir du « Rabelais » de Jean-Louis Barrault que j’ai eu la
chance de voir plusieurs fois au pied de la butte Montmartre (pas bien loin
d’où Ignace de Loyola et ses premiers compagnons fondèrent leur Compagnie.)
Nous étions en 1968 et nous rêvions en fait de fonder
Thélème…cherchez l’erreur…ou plutôt cherchez où le chemin a dévié…
Dans l’ordre des spectacles qui m’ont le plus marqué,
celui-là arrive en premier.
Pour le troisième,
j’hésite encore et laisse leur chance à beaucoup, mais pour le second il
n’y a pas d’hésitation c’est « Le Bourgeois Gentilhomme » de
Jérôme Savary. La pièce a été montée en 1980 au T.E.P (Théâtre de l’Est
Parisien) alors logé dans un cinéma en haut de Ménilmontant et du Père
Lachaise, rue Malte-Brun. Depuis le théâtre reconstruit après démolition
décidée par Jack Lang (celui qui massacra aussi Chaillot) se nomme Théâtre de la Colline et le TEP
continue sa carrière après quelque conflit entre son directeur Guy Rétoré et la
Ministre de la Culture Catherine Trautman un peu plus loin, avenue Gambetta. Il
a d’ailleurs changé de nom et se nomme « Le TARMAC ».
A propos de Chaillot, Lang et Trautman, allez lire le
« dictionnaire amoureux du théâtre » de Savary.
Revenons encore une fois à l’essentiel : Jérôme Savary
par exemple.
Après la révélation que j’avais eue à son Bourgeois
Gentilhomme, je n’ai manqué que ses mises en scène d’opéras trop lointains.
Par contre je crois avoir vu tout le reste : Super Dupont à
l’Odéon, Bye bye show-biz - un des rares spectacles à déglacer la froide
Equinoxe de Châteauroux, Cyrano à Mogador avec Weber et un vrai cheval, le
Cochon qui voulait maigrir pour lancer les enfants dans la bonne voie, et
puis encore les chansons de Trenet à Chaillot, celles de Vian au Dejazet…on
arrête là le côté ancien combattant …
Je garde juste pour finir une dédicace de Monsieur Jérôme
Savary :
« Vive la
vie. »"
Francis "Javert" Dusserre
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