Beaucoup aimé l'entretien que Christian Schiaretti a accordé à Télérama. Directeur du TNP de Villeurbanne, metteur en scène, il y retrace avec humour son itinéraire : (...) Peu à peu mieux informé, j'essaie d'entrer à l'école du Théâtre national de Strasbourg, que je rate, et je n'ai bien sûr plus l'âge de tenter le Conservatoire. Toujours démerdard, j'entreprends à la fac une maîtrise… sur le Conservatoire ! Et je suis accepté comme auditeur libre chez Antoine Vitez ! Là-bas, attention, je suis un illégitime, un déclassé, je ne suis pas habillé comme il faut, j'ai des socquettes bordeaux en acrylique immondes. Tous les élèves se foutent de ma gueule. Peu m'importe. Je ne touche plus terre. Je découvre avec Vitez un rapport poétique aux choses. Il partait du texte et menait à la joie, car avec lui on pouvait faire théâtre de tout et avec tout le monde(...). Et il affirme avec force ses convictions d'un théâtre fondé avant tout sur le texte, un théâtre qui fasse voir les mots, populaire en ce qu'il "signifie simplement transmission lumineuse et claire de notre meilleur répertoire, classique et moderne, de Molière à Vinaver".
Et que choisit-il pour ouvrir le nouveau TNP ? Rien moins que Hugo, avec Ruy Blas. Et quand on lui demande pourquoi Hugo, il répond : "Mais dans la préface de son drame Marion Delorme, en 1831, il est le premier dramaturge français à réunir ces trois termes : « théâtre », « national » et « populaire » ! J'aime son mauvais goût qui mène au sublime ; j'aime qu'il mêle avec naïveté comédie, tragédie, mélodrame et grotesque ; j'aime sa véritable jouissance du mot, et son omniprésente passion pour les femmes."
Une scène de Ruy Blas© Christian Ganet
« Ah ! C’est un coup de foudre ! ... — oui, mon règne est passé,
Gudiel ! — renvoyé, disgracié, chassé ! —
Ah ! Tout perdre en un jour ! — L’aventure est secrète
Encor, n’en parle pas. — Oui, pour une amourette,
— chose, à mon âge, sotte et folle, j’en conviens! —
Avec une suivante, une fille de rien !
Séduite, beau malheur ! parce que la donzelle
Est à la reine, et vient de Neubourg avec elle,
Que cette créature a pleuré contre moi,
Et traîné son enfant dans les chambres du roi ;
Ordre de l’épouser. Je refuse. On m’exile !
On m’exile ! Et vingt ans d’un labeur difficile,
Vingt ans d’ambition, de travaux nuit et jour ;
Le président haï des alcades de cour,
Dont nul ne prononçait le nom sans épouvante ;
Le chef de la maison de Bazan, qui s’en vante ;
Mon crédit, mon pouvoir; tout ce que je rêvais,
Tout ce que je faisais et tout ce que j’avais,
Charge, emplois, honneurs, tout en un instant s’écroule
Au milieu des éclats de rire de la foule ! »
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