jeudi 26 juillet 2012

Générale : Javert jouissait

En général, une générale, c'est un festival de ratés, d'erreurs et d'incidents.
La tradition a été respectée. Inutile d'épiloguer.
Aujourd'hui est le grand jour.

Ultimes retouches : Thénardier à la machine à coudre
 ***

Reçu ce matin cette subtile analyse de mon ami Jean-Claude Moreau, de Théâtralacs. Ne sachant trop comment "domestiquer la machine à commentaires", comme il dit, il m'a laissé libre usage du texte suivant. Je le reproduis donc ici, à destination des masses populaires :

"En prémices du « Misérables 62 », ce lundi 23 Juillet j’avais choisi de m’immerger dans « Les misérables », le roman, la fondation de nos imaginaires, la source de nos espoirs et, aussi, il faut bien l’avouer, l’indice de nos renoncements. . Je n’étais pas seul : une centaine de personnes s’étaient données LE MOT, lors de « Folie, les mots : » à Faux la Montagne, en Creuse, pour lire en entier et en continu le roman de Victor Hugo. Cela a commencé le samedi midi, s’est pratiqué par séances de lecture d’une demi heure, et cela s’est terminé dans la nuit de mercredi à jeudi à presque une heure du matin. Tout y a été dit et sans interruption.

Pour ma part, ayant été attrapé par « Cosette », j’en suis arrivé à la phrase suivante : « Javert jouissait ». Cette phrase portait assez de densité pour qu’un silence s’installât, c'est-à-dire que la transmission de témoin puisse s’opérer.

La politesse m’a conduit à écouter la suite. Je ne révèlerai rien de plus de ce qu’en dit Victor H. à propos de l’extase de Javert pour la simple et unique raison que c’est au lecteur de se faire le film. A la suite, par un curieux procédé de frustration littéraire, l’auteur se trouve pris dans un entrelacs de récapitulatifs et précisions historiques concernant le monastère de la rue Picpus, monastère dans lequel Fauchelevent signale sa qualité masculine (dont il n’use pas) à coups de grelots afin que les nonnes puissent l’éviter à toutes fins inutiles. Or, et c’est là que je veux en arriver, cette congrégation femelle appartient à l’ordre des Bernardines, ordre qui, suivant les dires de Victor H., doit plus à Saint Benoît qu’à Saint Bernard. En réalité c’est à un zélateur moderne de Saint Benoît, zélateur dont on m’excusera d’avoir oublié le nom, que l’on devrait la présence de ce couvent à voile cachant le menton. Bien sûr, il faut entendre « couvent » au sens de l’ensemble des femmes de la communauté et non pas du bâtiment lui-même. Et c’est dans ce rappel « Bernardien » qu’il me semble enfin comprendre toute la portée symbolique et spirituelle des « Misérables » de Victor Hugo adaptés par Patrick Bléron.

Ce dernier a justement rendu hommage au film que Raymond Bernard a pu réaliser à partir du roman de Victor Hugo. Tout n’est pas filmable, loin s’en faut, des actions et des inactions, du roman « Les misérables ». C’est l’avantage de l’écrivain sur le réalisateur : il sait que son auditoire pourra vaquer aux champs, cueillir la giroflée, prendre le métro ou faire une sieste réparatrice avant de retourner aux affres bernardines. Mais Raymond Bernard a été digne autant qu’il se peut, traçant par son nom la signature bernardine sans laquelle « Les misérables » ne seraient pas ce qu’ils sont. Curieusement, Bernard, Raymond de son prénom, n’est pas un nom d’emprunt. Bernard s’appelait bien Bernard. Et pourtant …

Pourtant, ce Raymond Bernard était fils de Tristan Bernard, humoriste reconnu, et homme à faire prendre des vessies pour des lanternes, pas si éloigné d’Alphonse Allais en art apparemment si peu bernardin. Élève studieux, voire brillant, Raymond laissa à son frère Jean Jacques l’art de la dramaturgie et ira pratiquer le bernardisme dans un état second, initié de manière absolument fortuite par son propre père : en effet, les circonstances firent que Raymond Bernard commença une carrière d’acteur pour un film tiré d’une pièce de Tristan Bernard et dans lequel jouait, facteur définitivement déterminant, l’immense Sarah Bernhard elle-même, excusez du peu.

Que « Les misérables », film de Raymond Bernard, soit en creux, une apothéose sibylline à la gloire de l’ordre des « bernardines » ne saurait étonner que les ignorants. Et ceci en dépit des apparences, puisque Raymond Bernard n’a pas proportionnellement attaché autant de temps à l’histoire de cet ordre dans le film que l’auteur originel, Victor Hugo, dans son roman. Il n’était pas si simple pour Patrick Bléron de signaler la cause bernardine avec autant de force que de tact. Mais il a créé le personnage d’Andrée Bernard à dessein. Bernardine d’occasion, Jackie Momot ne l’est pas assurément puisqu’il ne faut voir en ce « nom » qu’un rapport « second ». Pour l’incrédule, il lui suffira de s’imaginer justement les états « seconds » de la vie monacale et les indicibles dérivatifs qu’ils permettent. Victor Hugo (encore lui !) rappelle justement les affres de douleur et d’absence de douleur (suprême jouissance) que le port semestriel de la robe de bure octroyait aux valeureuses bernardines. Donc, rien ne permet de penser que Jackie Momot porte une robe de bure, puisque c’est son simple nom « Bernard » qui porte l’essentiel du message bernardin. Pour qui sourirait à l’égard de ce qui lui semblerait davantage « élucubrations » que faits avérés, je me contenterai de lui conseiller de vérifier dans l’ouvrage original. Sans les bernardines, pas de sauvetage de Cosette, pas de répit pour Jean Valjean, alias M Madeleine (et vice versa) etc. Vous voulez une preuve supplémentaire de l’emprise bernardine ? Je vous la livre en toute confidence : de même que dans une autre existence M Madeleine s’est appelé Jean Valjean, Patrick Bléron, dans une autre existence, s’est appelé Bernard Bernard. Et c’est là que tout a commencé. "

25/07/2012- Jean Claude Moreau.

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