vendredi 29 juin 2012

Looking for Valjean

Bruno (Aucante), mon directeur d'acteurs, mon bras droit, mon cerveau gauche, m'a mis entre les mains le film d'Al Pacino, sorti en 1997, Looking for Richard. Je l'ai regardé avant-hier soir, il était tard, je ne comptais en voir que la moitié, et puis impossible de s'arrêter en cours de route. Résultat : nuit courte. On dira que cela prépare aux nuits cluisiennes à venir.
Oui, c'était passionnant : le sujet de ce documentaire, considéré par beaucoup comme un ovni cinématographique, c'est la pièce de Shakespeare, Richard III. Pacino l'a joué deux fois au théâtre ; ici, avec une petite bande d'amis acteurs, il se demande une fois de plus comment amener cette pièce au public. Un public souvent rétif au théâtre shakespearien, comme le montrent les micro-trottoirs tournés à New York. On s'ennuie, on s'embrouille dans le réseau dense des personnages, on se perd dans la langue métaphorique et poétique du grand Will. Pacino relève le défi de transmettre, non pas le message de l'auteur - il n'y a que les mauvais auteurs qui ont un message à transmettre -, mais la chair et la vie qui sont au cœur de cette pièce, tout ce qui fait qu'elle peut encore séduire les oreilles de nos contemporains. C'est aussi une réflexion sur l'art de l'acteur, la recherche du personnage, looking for, c'est la quête du sens, du regard et du geste juste.




On voit bien sûr le rapport, toutes proportions gardées, avec les Misérables 62, où il s'agit aussi de rendre compte d'un montage, du travail d'une mise en scène avec ses doutes, ses essais, ses errements mais aussi, heureusement, ses moments lumineux où le chemin s'éclaircit. Tout comme Pacino extrait les scènes essentielles de Richard III, le spectacle cluisien ne montre des Misérables, de l'immense iceberg hugolien (deux tomes de 800 pages en Folio), qu'une minuscule partie émergée, mais qui porte en elle, du moins fera-t-on tout pour cela, le témoignage de l'ensemble.



Sur le net, j'ai trouvé une belle analyse du film par l'un des traducteurs les plus doués de Shakespeare en français, Jean-Michel Déprats. Il y a beaucoup à prendre bien sûr, je veux pour l'heure surtout insister sur un des derniers paragraphes, où il rend hommage au jeu de Pacino :


C'est cet humour également que recherche la présente adaptation des Misérables. On vérifiera (je ne veux pas là donner d'exemples) que le pathétique de nombreuses situations ne s'éternise jamais. Toujours une intervention extérieure vient "désamorcer" la tragédie, couper les pieds au larmoyant. L'humour, comme le dit si bien Déprats, est la politesse, non seulement du désespoir, mais "du sérieux et de l'engagement".

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