mardi 14 août 2012

L'histoire des hommes se reflète dans l'histoire des cloaques

"La conscience sociale de celui que Hugo nomme le « philosophe social », c’est sa conscience de la profondeur de la société, la conscience de ce que la connaissance des événements de la surface doit être complétée de celle « des convulsions du fond » parce que celles-ci « produisent des soulèvements à la surface » (tome 2, p.319). A la surface, on a « les luttes des couronnes, les naissances de princes, les mariages de rois », tandis « qu’à l’intérieur », quand on descend, on trouve « le fond, le peuple qui travaille, qui souffre et qui attend, (…) les tressaillements indistincts des multitudes, les meurt-de-faim, les va-nu-pieds, les bras-nus, les déshérités, les orphelins, les malheureux et les infâmes » (ibid. p.318). Il ne s’agit pas pour Hugo de prétendre que ce qui se passe au fond est plus important que ce qui se déroule en surface, mais de dire que la société réunissant la surface et la profondeur, on ne peut la connaître si on ne connaît et l’une et l’autre : « connaît-on bien la montagne quand on ne connaît pas la caverne ? » (p.318). Le philosophe social est pour Hugo celui qui va chercher dans les obscurs souterrains sociaux non pas la vérité, mais le résultat, le produit et le reflet des événements qui se déroulent en surface. C’est tout le sens de l’odyssée de Jean Valjean dans les égouts de Paris juste après l’épisode des barricades : « l’histoire des hommes se reflète dans l’histoire des cloaques » (tome 2, p.650). Dans l’égout, « l’économie politique voit un détritus, la philosophie sociale y voit un résidu » (p.651) : l’égout est « cette fosse de vérité où aboutit l’immense glissement social », « l’égout, c’est la conscience de la ville » (ibid.). Si Hugo dit cela, c’est parce qu’il voit l’égout comme le révélateur de l’ordre social qui s’édifie en surface et au grand jour : ce qu’est vraiment cet édifice social se voit à ce qu’il rejette dans ses égouts comme résidus de lui-même. C’est pourquoi on ne connaît vraiment cet édifice qu’en allant voir ce qui se passe en dessous de lui : on le voit alors tel quel, sans fard et sans parement ; « tout ce qui se fardait se barbouille, le dernier voile est arraché » (p.652)."
        Franz FischbachLe social par Hugo : surface et profondeur.

Allez, après cette petite citation à méditer, les photos des égouts et de la fin javertienne.

Dans les égouts
Jean Valjean et Thénardier



Javert à la sortie de l'égout

Javert rédige ses dernières notes
Le brigadier (Bruno Clairand)
 


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