samedi 5 novembre 2011

La physionomie des années

Et de trois. Après Robin et Dracula, voici le tour des Misérables 62. Besoin encore une fois d'un espace où transcrire les étapes de réalisation de ce projet théâtral mené avec le Manteau d'Arlequin de Cluis. Un blog où chroniquer, digresser, rêver, tenir la trace des efforts et des avancées, des difficultés et des succès. Cette nouvelle histoire n'a pas commencé hier, on s'en doute, mais j'attendais une sorte de déclic pour ouvrir ce chantier : il est venu sous la forme d'une conférence qui, au départ, n'avait rien à voir avec mon sujet. Un cours d'Antoine Compagnon, chargé de littérature moderne et contemporaine au Collège de France, le premier cours d'une série intitulée 1966, Annus mirabilis.
C'est le genre de choses que j'écoute en repassant.  Je dis bien "en repassant", car je repasse, voyez-vous, en général le samedi matin, et, contrairement à une certaine doxa féministe qui va répétant que l'homme est un animal monotâche, je parviens assez bien à manier le fer et entendre le verbe. Donc, j'étais à l'écoute de ce premier cours où A. Compagnon s'expliquait sur les raisons qui l'avaient poussé à consacrer tout un cycle de conférences à une année, et spécialement l'année 1966, lorsque je l'entendis évoquer Les Misérables, où Victor Hugo consacre tout un chapitre à l'année 1817 (on peut se reporter à la vidéo du lien au-dessus).
Il cite en particulier ce paragraphe terminal :
Voilà, pêle-mêle, ce qui surnage confusément de l’année 1817, oubliée aujourd’hui. L’histoire néglige presque toutes ces particularités, et ne peut faire autrement ; l’infini l’envahirait. Pourtant ces détails, qu’on appelle à tort petits, – il n’y a ni petits faits dans l’humanité, ni petites feuilles dans la végétation, – sont utiles. C’est de la physionomie des années que se compose la figure des siècles.
Les Misérables paraît en 1862, quarante-cinq ans plus tard. Sans doute fallait-il un temps de recul nécessaire pour bien juger de l'importance des faits qui se déroulèrent à l'époque. Appliquant le même calcul, A. Compagnon, partant de 2011, aboutit logiquement à 1966. Or, il se trouve que ce n'est là qu'un hasard, car il avait choisi cette année bien avant d'être alerté par une connaissance sur ce passage de Hugo. D'autres raisons présidaient à son choix, que je vous laisse découvrir, pour ceux que ça intéresse, dans la vidéo du cours.

Il reste que cette double attention à Hugo et à une année bien particulière épouse le mouvement même du projet qui nous occupe, car il s'agit bien, pareillement, de pénétrer l’œuvre afin d'en faire surgir les aspects essentiels, tout en l'inscrivant dans cette année 1962, où la volonté d'un homme, emblématique d'un projet humaniste visant à porter la culture dans le peuple, rencontre l'enthousiasme de tout un village, au sortir des années de guerre qui se sont prolongées avec la toute récente guerre d'Algérie, fort de toute une jeunesse prête à s'investir sans compter son temps et sa fatigue.

C'est - reprenons les termes de Hugo - la physionomie de cette année 1962 que je veux essayer d'appréhender dans les mois qui viennent, afin d'en donner au public, à travers quelques détails significatifs, une version qui ne la trahirait pas. Je m'en tiendrai à ce modeste objectif.

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