samedi 3 novembre 2012

The Pink Last Supper

Jeudi matin, nous revenions doucement à pied vers la gare Centraal d'Amsterdam, concluant ainsi un bref séjour, la pluie se faisait de plus en plus insistante et nous avions encore un peu de temps devant nous. Je vis la silhouette de cette église se profiler au-dessus des rues, et je songeai alors que nous n'étions entrés dans aucune église pendant ces deux jours. L'occasion était bonne de rattraper un oubli qui ne me ressemble guère.
La première entrée ne révéla que portes fermées. Un jour de Toussaint, le néerlandais fermait-il ses lieux de culte ? Non, bien sûr, il fallait faire le tour. Mais c'était un culte bien particulier que l'on rendait là. Pas de cérémonie religieuse, la Nieuwe Kerk d'Amsterdam est aujourd'hui aussi un lieu d'exposition, et l'on y exposait une seule œuvre, qui avait il est vrai des résonances religieuses indubitables :  The Last Supper d'Andy Warhol. Autrement dit la Cène, de proportions majestueuses, réplique de celle peinte par Léonard, mais teinte en rose.


Pour dire la vérité, je ne l'ai pas vue. Je n'avais pas percuté devant le titre de l'expo, j'ignorais ce qu'il y avait vraiment à découvrir, j'étais le seul que ça intéressait, et même si l'on me proposa gentiment de m'attendre pendant la visite, je déclinai l'offre, et c'est seulement en rentrant à la maison que j'ai eu la curiosité d'y voir d'un peu plus près.

Je découvre que les derniers travaux de Warhol ont précisément tourné autour de la fresque de Léonard ; au final, ce sont des centaines de dessins, de peintures, d'impressions et de sculptures qui ont été créées à partir de l’œuvre du maître. Autres exemples :



Sollers parle de ce tableau, et de Warhol en général, ici.


Ses propos sont éclairants sur le choix de l'artiste de s'emparer de la Cène. Il ne faudrait pas y voir une quelconque démystification, ce serait oublier que Warhol était un catholique fervent :

"Le 1er avril 1987, à Saint Patrick, la cathédrale catholique de la Ve Avenue, devant deux mille personnes très connues et peu familières de ce lieu où le drapeau américain, dans la nef, fait face, à égalité, à celui jaune et blanc du Saint-Siège, une messe solennelle est célébrée à la mémoire d’Andrew Warhol, fils d’immigrés tchèques. Sa mère, Julia, était très croyante. Pendant le service religieux, on entend des extraits de La Flûte enchantée et L’Hommage de l’immortalité de Jésus, d’Olivier Messiaen. L’assistance est stupéfaite d’apprendre, par le sermon du prêtre (poisson d’avril ou révélation ahurissante), que l’homme le plus in de la société de représentation financière, le diable organisateur souterrain de toutes les transgressions désinvoltes, l’archange sulfureux de la publicité d’art, le peintre des boites de soupe Campbell’s, des Marilyns et des Maos multiples, allait à la messe et s’occupait de nourrir lui-même les clochards."

 A contempler ces variations céniques, et bien d'autres que la recherche sur le net à cette occasion m'a fait découvrir, je mesure combien mon idée était au fond peu originale, même si je pouvais la croire telle, ne l'ayant emprunté consciemment à personne. Mais sans doute n'est-ce pas l'originalité de nos propositions qui compte ; ce qui importe c'est le traitement de l'idée, sa place inédite dans un dispositif et un cadre renouvelé. Tout a peut-être déjà été dit, mais à nous de le dire sous une autre forme, dans un autre espace ou un autre temps, non pas parce qu'il faut absolument du changement, non pas parce qu'il faut de toute force innover, mais parce que, pour être reçue, comprise, éprouvée, l'idée doit surgir d'un autre sol ou descendre d'un firmament inconnu, ténèbres et lumières qui nous incombent.

Andy Wahrol, Vatican 2 avril 1980
in Cécile Guilbert, Wahrol spirit

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire